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L'Afrique et le mouvement des pays non-alignés : le retour de l'esprit du non-alignement

Posté par Christian Gambotti, le 2 mars 2023


Pr C. Gambotti 

Par le Pr Christian Gambotti - Agrégé de l’Université, Président du think tank Afrique & Partage, Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches du l’Afrique de Demain), Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan), Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact email : cg@agriquepartage.org

Le retour de l’esprit du non alignement

Petit historique du Mouvement des non-alignés

Étape importante vers la constitution du mouvement des non-alignés, la Conférence de Bandung, ville indonésienne de l’Ouest de l’Île de Java, qui s’est tenue en 1955, réunit 30 pays : quinze pays d’Asie (Afghanistan, Birmanie, Cambodge, Ceylan, Chine, Inde, Indonésie, Japon, Laos, Népal, Pakistan, Philippines, Thaïlande, République démocratique du Vietnam, Etat du Vietnam), neuf pays du Proche-Orient (Arabie saoudite, Egypte, Irak, Iran, Jordanie, Liban, Syrie, Turquie et Yémen) et six pays africains (Côte-de-l’Or, - l’actuel Ghana -, Ethiopie, Liberia, Libye, Somalie et Soudan). L’esprit de Bandung fait avancer l’idée de non-alignement jusqu’à la création du Mouvement des non-alignés en 1961.

Créé en 1961, le Mouvement des pays non-alignés est une organisation internationale née durant la « Guerre froide », période qui, de 1947 à 1991, voit s’affronter les deux superpuissances qui, à l’époque, gouvernent le monde : les Etats-Unis et l’URSS. Dans ce monde bipolaire, les Etats qui refusent d’être alignés sur le bloc de l’Ouest ou celui de l’Est se regroupent afin d’assurer « l'indépendance nationale, la souveraineté, l'intégrité territoriale et la sécurité des pays non alignés dans leur lutte contre l’impérialisme, le colonialisme, le néocolonialisme, la ségrégation, le racisme et toute forme d'agression étrangère, d'occupation, de domination, d'interférence ou d'hégémonie de la part de grandes puissances ou de blocs politiques » (Déclaration de La Havane, 1979).

À la suite de l'effondrement de l'Union soviétique, l’existence d’un mouvement des non-alignés semblent moins se justifier, même si l’organisation continue de jouer un rôle important, notamment en refusant, pour préserver les intérêts de ses membres, d’appliquer les mesures de résolution de la dette publique dictées par le Consensus de Washington que tente d’imposer le FMI (Fonds Monétaire International), l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) et la BM (Banque Mondiale). Ces institutions internationales, dominées par les pays occidentaux, sont de plus en plus contestées par les pays du Sud, notamment les « BRICS » (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).

Aujourd’hui, le contexte engendré par la guerre en Ukraine voit naître, dans un monde devenu multipolaire et une mondialisation polycentrique, une nouvelle « guerre froide ». Le Mouvement des non-alignés, qui comprend 120 États et 17 pays observateurs, retrouve ainsi toute sa justification et sa légitimité. C’est justement l’esprit du non-alignement que souhaite consolider le président de l’Azerbaïdjan, d’Ilham Aliyef, Secrétaire exécutif en exercice du Mouvement des non-alignés.

Promouvoir l’idée du non-alignement : l’action exemplaire d’Ilham Aliyev,  Président en exercice du Mouvement des non-alignés, président de la République d’Azerbaïdjan

Le 26 septembre 2019, d’Ilham Aliyev, président de la République d’Azerbaïdjan, accède à la présidence du Mouvement des pays non-alignés. Son mandat est prolongé par les pays membres jusqu’à la fin 2023. Ilham Aliyev sait que l’Histoire confère à son action une ampleur nouvelle depuis le 21 février 2022, date du début de la guerre en Ukraine. L’Azerbaïdjan se situe, géographiquement, au cœur des multiples tensions géopolitiques, géoéconomiques et géostratégiques contemporaines. Dans cette région du Caucase sud (la Transcaucasie), véritable mosaïque politique, ethnique, linguistique et culturelle, parce qu’il doit composer avec la Russie, la Turquie, l’Iran, la Chine et l’Occident, Ilham Alivev, sans nier l’existence d’intérêts divergents entre les États et entre les nouveaux blocs qui se constituent, développe depuis toujours une diplomatie de l’équilibre en faveur de la paix et de la coopération économique.

Le Mouvement des pays non-alignés est l’occasion pour l’Azerbaïdjan de promouvoir au sein de la communauté internationale cette diplomatie de l’équilibre adossée à une politique de solidarité entre les États. A l’initiative de l’Azerbaïdjan, l’ONU a conduit une opération de distribution des vaccins anti-Covid dans les pays les moins riches, une opération de justice et de transparence contre l’égoïsme des pays riches, selon Ilham Alivev. En mars 2023, l’Azerbaïdjan organise à Baku un Sommet des pays non-alignés où il sera question de relance économique post-Covid pour les pays membres du Mouvement, notamment les pays africains qui ont tous été invités. Afin de mieux prévenir les risques de conflits et diffuser l’esprit du non-alignement, l’Azerbaïdjan, lors de ce Sommet, proposera la création d’une assemblée parlementaire des pays non-alignés, sur le modèle de l’APF (Assemblée Parlementaire de la Francophonie) et d’une organisation de jeunesse des non-alignés.

La guerre en Ukraine ouvre largement la porte à une nouvelle « guerre froide ». L’ancien ordre mondial, issu de Yalta, est désormais contesté. Le monde est passé d’une réalité bipolaire avec l’affrontement entre les États-Unis et l’URSS, à une réalité unipolaire avec la disparition de l’URSS, et, aujourd’hui, à une réalité multipolaire profondément instable. Au moment où les Nations Unies, la Russie et la Chine ayant un droit de veto, le FMI, la BM et l’OMC semblent incapables de créer les conditions d’une paix durable et d’une prospérité commune, , le Mouvement des non-alignés représente, dans l’esprit dirigeants Azéris, cette force collective dont le monde a besoin, une force plus inclusive, plus représentative et plus légitime, capable de préserver une gouvernance mondiale et initier des mécanismes de coopération internationale plus efficaces dans la lutte contre les inégalités entre les États et entre les régions du monde.

L’Afrique et le non-alignement : se libérer du fardeau de l’Histoire que représenterait une nouvelle « guerre froide »

Entre 1960 et 1989, l'Afrique est sacrifiée aux enjeux stratégiques et idéologiques de la « Guerre froide ». Les jeunes nations africaines sont, en apparence, souveraines. En réalité, l’exploitation de l’Afrique par les grandes puissances au lendemain des indépendances est une réalité et, pendant la période de la Guerre froide, le continent devient le terrain des affrontements entre le monde libre, incarné par les États-Unis, et le bloc communiste, représenté par l’URSS. En dépit des menaces rhétoriques, les Etats-Unis et l’URSS ne se feront jamais la guerre pendant la période de la « Guerre froide ». La guerre se fait par procuration, notamment en Afrique, où les jeunes nations indépendantes vont, en fonction de leur sensibilité idéologique, s’aligner sur le camp occidental (le Zaïre de Mobutu) ou le camp communiste (l’Angola d’ Agostino Neto), portant ainsi le lourd fardeau d’une l’Histoire postcoloniale. Une nouvelle « guerre froide » dans laquelle les nations africaines accepteraient de se soumettre à un camp ou une idéologie retarderait le développement du continent. La réalité idéologique et militaro-stratégique du système international contemporain, depuis que la Chine et la Russie ont marqué leur intérêt pour l’Afrique, doit conduire les Etats africains à s’installer sur la trajectoire du non-alignement.

Lors de la dernière assemblée générale de l’ONU, sur 193 Etats membres, 141 ont voté une résolution non contraignante qui réaffirme leur « attachement » à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui est bien plus que ce que représente l'Occident. Ce vote ne traduit pas un alignement sur le bloc occidental. Ce qui prévaut, c’est un idéal de paix, conformément à l’esprit du non-alignement. Le Sommet de Baku, qui se tient en mars, est organisé pour permettre aux pays non-alignés de jouer un rôle essentiel dans la construction d’une paix mondiale. Courtisée par tous les blocs, l’Afrique est invitée à prendre toute sa place dans le Mouvement des non-alignés. Après s’être rendu au Gabon, où il a rencontré le Président Ali Bongo, un conseiller à la présidence azerbaïdjanaise se rendra au Ghana et en Mozambique justement pour promouvoir l’esprit du non-alignement en Afrique, un esprit qui ne contredit pas la souveraineté des Etats africains dans les partenariats qu’ils souhaitent nouer.

Emmanuel Macron, en tournée début mars dans quatre pays d’Afrique centrale, - Gabon, Angola, Congo et République Démocratique du Congo -, souhaite renouveler et approfondir le partenariat entre la France, l’Europe et le continent africain, alors que la Chine et la Russie, de plus en plus présentes en Afrique, apparaissent, pour une partie des opinions publiques et de la jeunesse, comme des puissances libératrices face aux anciens colonisateurs. Suffit-il pour les États africains de se couper des anciens colonisateurs et nouer des liens avec leurs anciens amis pour accélérer leur développement et assurer leur sécurité? Ce n'est pas si simple.

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